Située sur les bords du Rhône, au sud du bourg, dans un quartier appelé « le fond de Sablons« , Moly Sabata est un lieu-dit avant d’être le nom donné à une grande bâtisse du 18ème siècle, située en ce lieu.
Le premier bâtiment appartenait à la fin du 17ème à la famille Murat de Lestang qui le vendit à un Pierre Boissonnet voiturier d’eau. Son petit fils, chirurgien donna à la batisse son aspect actuel. En 1761, par mariage la propriété passa à la famille Robert du Gardier, une famille noble très populaire restée sur ses terres lors de la révolution et qui ne fut jamais inquiété. Maurice ROBERT DU GARDIER fut conseiller d’arrondissement en 1803 et maire de Sablons jusqu’en 1817.
Après une vente à des résidents de Serrières, la mémoire locale se souvient de Mme Bertois soignée par des religieuses de Charmes (Village rhodanien). Longtemps, sur l’un des bâtiments annexes ouverts sur le chemin de halage est restée l’inscription « école Bertois de Charmes » jusqu’à la plus récente réhabilitation du bâtiment.
La propriété a été louée à Albert Gleizes dès 1927, il l’acheta en 1938 pour servir d’«arche accueil» aux artistes et aux intellectuels qui vivaient là en communauté, cette tradition, s’est perpétuée. Le domaine est maintenant la propriété de la fondation Albert Gleizes.
Le site a été classé le 20 avril 1964, il est l’un des 25 sites pittoresques de l’Isère.
L’origine du mot Moly Sabata, tient au fait que Sablons était fréquemment inondé par les crues du Rhône. Alors en langage franco-provençal Moly Sabata, « sabot mouillé » rappelait aux piétons que ces lieux subissaient les inconvénients de ces débordements.
Il a été proposé d’autres origines au vocable de Moly Sabata comme Moulaï Sabbat, « Le Repos du Seigneur » mais il s’agit certainement d’élucubrations !!!.
En 1927, Albert Gleizes décrivait Moly Sabata ainsi :
Nous disposons d’une maison non à Serrières mais en face, de l’autre côté du Rhône, à Sablons. Au bout également de Sablons, sans être pour cela trop isolée, site admirable, les montagnes d’Ardèche en face et le Rhône montant et descendant. La maison est une construction Louis XVI avec perron et balcon charmant. Un assez grand jardin avec bassin, beaux arbres, enclos et bâtiments de ferme – commode … Il y a plus de douze pièces dans l’ensemble du corps de bâtiment. C’est vous dire que nous pourrons étendre le principe de cette retraite campagnarde pour les fatigués de la ville …
Il précisera aussi : «Vous savez que nous voulons faire une sorte de couvent laïc où pourraient se réfugier les dégoûtés de ce système moribond.
Moly Sabata a abrité une véritable communauté artistique et artisanale où se retrouvent de nombreux intellectuels et artistes. Parmi eux, Albert Gleizes bien sûr, mais successivement ou ensemble le peintre Robert Pouyaud, le musicien César Geoffray, la céramiste Anne Dangar, la tisserande Lucie Deveyle et bien d’autres. Moly Sabata sous l’égide de la Fondation Albert Gleizes continue à héberger des artistes (conditions d’accès : Moly Sabata, Résidences – création plastique et écriture, 1, rue Moly-Sabata, 38550 Sablons contact@moly-sabata.com, site www.moly-sabata.com)
Pourquoi Moly Sabata a-t-il attiré autant de créateurs et personnages de qualité qui ont accepté les conditions de vie rude de ce choix de vie ?.
Pour l’expliquer, il faut parler du passé de son fondateur Albert Gleizes : Moly Sabata concrétisait vingt cinq années de recherches sur l’art, la société, la philosophie.
Après l’invention de la photographie, les jeunes peintres du début du XXème siècle sont en quête de nouveaux moyens d’expression en rupture avec la peinture figurative des siècles passés. Ils se regroupent dans des « avant gardes » où ils définissent leurs recherches et leurs objectifs.
Ils sont à l’origine de l’art contemporain. Albert Gleizes est l’un d’eux avec Metzinger, Braque, Picasso, Juan Gris, Fernand Leger, Robert et Sonia Delaunay entre autres précurseurs.
Albert Gleizes et Metzinger définissent une nouvelle manière de peindre dans un ouvrage intitulé « du cubisme » en 1912. Ce mouvement artistique déconcerte : les formes sont épurées, les images reconstruites sur un plan en deux dimensions, sans perspectives. Ils souhaitent exprimer le mouvement par rotation et translation.
Dans cette période déstabilisée par la révolution industrielle et la terrible première guerre mondiale, Albert Gleizes, comme d’autres artistes, à des préoccupations complémentaires à la recherche artistique : il réfléchi sur la société et le sens de la vie.
Dès 1906, dans le groupe qui a pris le nom « d’abbaye de Créteil« , Albert Gleizes et ses amis ont tenté une expérience de vie communautaire ou chacun apportait ses talents et participaient aux travaux collectifs. Expérience éphémère mais dont l’idéologie sera renforcée par les théories des « veilleurs de Schwaler de Lubiez » qui influence une élite en recherche.
Cette idéologie résumée comprend le remplacement du travail en quantité (industrialisation appelée « machinisme« ) par un travail de qualité : soutenir les artisans pour la perfection dans leur travail et tous les actes de la vie, éducation permettant aux enfants un développement équilibré de toutes leurs facultés. Refuser une société qui ne semble reconnaître que l’argent. Pour Albert Gleizes le retour à la terre et aux traditions permet la réalisation de cet idéal.
Il va mettre, pour lui même, ces principes en vigueur, il s’installe dans le village de Serrières dans la maison de la famille de sa femme Juliette Roche. Cette retraite volontaire (et confortable) lui permet de peindre, d’écrire, de transmettre mais le retranche d’une renommée atteinte par ses anciens compagnons qui n’ont pas quitté Paris.
Période qui correspond à la fondation de Moly Sabata à Sablons où il souhaite mettre en application ces recherches et pour lesquelles il inspire à de nombreux intellectuels et artistes, admiration et enthousiasme car ses écrits traduisent ce à quoi certains aspirent en France et au de là puisque Miss Anne Dangar avec d’autres artistes anglophones sera touchée par son idéal artistique et philosophique.
- Robert Pouyaud (1901-1970)
Peintre, Sculpteur, théoricien du cubisme, il fut l’un des premiers élèves d’Albert Gleizes.Il fut aussi avec sa femme, le premier occupant de Moly Sabata à la fin de l’année 1927. A Moly Sabata, il réalisera notamment des pochoirs reproduisant des tableaux de Gleizes et destinés à l’éditeur Povolosky de Paris.Avec César Geoffray il éditera et imprimera à Moly Sabata (éditions Sablons) un recueil de « Suite de sons et de couleurs pour piano » dans lequel il réalisera trois pochoirs en couleurs.La famille Pouyaud quittera Moly Sabata en 1930 pour s’établir à Asnières-sous-Bois, près de Vézelay.Il fut ensuite professeur d’art plastique à Clamecy. Il réalisera de multiples peintures monumentales notamment dans des églises : Notre-Dame de Clamesy, Notre-Dame de Bethléem à Clamecy, l’église paroissiale Saint-Martin à Dornecy, l’église paroissiale Saint Sulpice de Bourges à Asnières sous bois et pour la communauté de communes des Vaux d’Yonne : l’église de Bethléem.
- Georges Manevy et sa femme
Ecrivain, Il ne résida à Moly Sabata que de 1929 à 1930, il fonda avec César Geoffray dont il était l’ami, la section lyonnaise des Fêtes du Peuple, chorale d’une cinquantaine de jeunes ouvriers et ouvrières.
- César Geoffray, sa femme Mido et sa fille Gilka
César Geoffray, musicien, violoniste, compositeur, fondateur de la Chorale Interfédérale du Scoutisme Français et du mouvement des chorales mixtes « A Coeur Joie » est né à Lyon en 1901. Il résidera 11 ans à Moly Sabata de 1930 à 1941.
- Lucie Deveyle
Lucie Deveyle remplissait, à Lyon, la fonction de garde de Gilka, la fille de Mido et César Geoffray. En accord avec Albert Gleizes, Lucie Deveyle suivra les Geoffray lors de leur installation à Moly Sabata.Elle y restera jusqu’à sa mort en Octobre 1956. Issue de la Bresse, elle travaillera durement et pour acheter le métier à tisser dont elle avait besoin, se louera tout un été, pour réaliser des travaux agricoles du relevage de la vigne à la collecte et à l’emballage des fruits.Elle réalisera avec son métier à tisser de nombreux ouvrages en laine, laine qu’elle allait chercher à Thorenc en Ardèche chez Madame Bugnazet.Lucie Deveyle deviendra, à côté d’Anne Dangar, un des personnages les plus attachants et significatifs de la communauté moly-sabatienne.
- Anne DangarAnne DANGAR est Australienne, d’origine irlandaise. Elle est née en 1887 dans une famille anglicane. Elle rejoindra Moly Sabata le 20 mars 1930 où elle sera accueillie par le peintre Robert Pouyaud et son épouse.Elle ne quittera plus Moly Sabata jusqu’à sa mort et elle deviendra l’âme véritable et l’animatrice de Moly Sabata.Elle décèdera à Sablons le 4 septembre 1951 et sera enterrée dans le caveau de la famille ROCHE à Serrières.
- Jacques Plasse et sa femme Bilou Le Caisne.Ils sont restés plusieurs années à Moly Sabata, si Bilou Lecaisne était tisserande, Jacques Plasse a son arrivée, ne connaissait que peu le travail au métier à tisser.Il a surtout marqué le voisinage par sa chèvre « Berthe aux grands pieds » appelé ainsi à cause d’un boitement du à des sabots trop grands et qu’il promenait dans Sablons avec ses cornes rouge et ses sabots dorés.
Plus tard, Jacques et Bilou Plasse Le Caisne devinrent des artistes importants, maîtres-tisserands reconnus mondialement comme interprètes des peintres de l’école de Paris notamment A. Manessier avec le quel ils seront amis.
Ils réaliseront la plupart de ses tapisseries et vêtements liturgiques, dont l’ensemble des douze « Cantiques spirituels de Saint Jean de la Croix ».
Parmi les œuvres connues : « la tapisserie de la Sainte-Face » qui reprend, agrandie, une oeuvre du peintre Georges Rouault pour la chapelle Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face à Hempempont dans le Nord.
- Michel Seuphor
Ecrivain, peintre, dessinateur et critique d’art, il publia un nombre considérable d’ouvrages littéraires et d’écrits sur l’art, notamment des études sur Mondrian, dont la monographie en 1956, le Dictionnaire de la Peinture abstraite en 1957, l’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres et la Sculpture de ce siècle en 1948, La peinture abstraite, sa genèse, son expansion en 1962, Le Style et le Cri en 1965, et une histoire de l’art abstrait en cinq volumes à partir de 1973. Il ne passa que quelques mois à Moly Sabata.
- Francine BensaFrancine Bensa (1893-1975), graveur à qui revint l’honneur de dessiner l’étiquette du « Vin réconfortant de Saint-Damien« Après son passage à Moly Sabata, elle habitera l’île aux moines dans le golf du Morbihan où elle réalisera une série de bois gravés, de dessins et de tableaux évoquant les travaux quotidiens. Elle a aussi participé aux illustrations de divers livres.
- Jean-Claude et Yvette Libert
Quelques temps après la mort d’Anne Dangar (1951), à la demande d’Albert Gleizes, un couple de jeunes potiers, Jean-Claude et Yvette Libert vinrent s’installer (1952) à Moly Sabata aux côtés de Lucie Deveyle. Deux enfants naîtront là bas , Blandine en 1952 et Guillaume en 1954.Comme Anne Dangar, quelques années auparavant, Jean-Claude ira se perfectionner chez Jean-Marie Paquaud, le potier de Roussillon. Jean Claude formera sa femme Yvette au métier de potier. Tous deux avaient la ferme intention de réanimer l’atelier de poteries et le four qu’Anne Dangar avait fait construire.Pendant 5 ans (1952-1956), aux côtés de Lucie Deveyle ils essaieront de continuer à faire vivre ce lieu auquel ils étaient très attachés. Mais l’inondation annuelle de la poterie par les crues du Rhône et les difficultés financières vont les pousser à partir à Villeneuve-lès-Avignon où ils installeront leur atelier dans la maison de famille de Jean Claude, une vieille demeure pittoresque.Quelques mois après leur départ Lucie Deveyle décèdera. Une autre potière Geneviève de Cissey va tenter une dernière fois de réanimer l’âme de Moly Sabata puis un long sommeil commencera.Comme pour Anne Dangar, on retrouve dans les familles de Sablons de nombreuses poteries de cette époque.Pour en savoir plus, le site de l’artiste. - Geneviève de Cissey-Dalban (1926-2002)
Geneviève de Cissey est née en 1926 dans un milieu artistique. Elle fait ses études académiques à l’école des beaux arts de Dijon en 1947. C’est en 1948 que se situe son premier contact avec Moly-Sabata, elle s’y rend sur les conseils de Marcel Michaud, propriétaire de la galerie lyonnaise Folklore, une relation de son père. A l’été 1949, Geneviève de Cissey prend des cours à Moly-Sabata pendant 3 semaines, avec Anne Dangar, une correspondance s’instaure alors avec elle, ces lettres sont de véritables textes d’initiation.Après la mort d’Anne Dangar en 1951, Geneviève de Cissey et Lucie Deveyle réalisent ensemble une tapisserie monumentale pour la réfection d’une église dans le Doubs puis en juin 1955 Geneviève de Cissey travaille dans l’atelier du potier Paquaud à Roussillon en Isère.En Novembre 1955, elle s’installe à Moly-Sabota et y travaillera avec Lucie Deveyle jusqu’à la mort de celle-ci en 1956, puis seule jusqu’au début 1958.En 1960, elle épouse Charles Dalban et s’installa à Ampuis où elle poursuivi son oeuvre de potier : poteries de terre vernissées cuites alors au four à bois, décorées avec des motifs traditionnels et s’inspirant de la méthode d’Anne Dangar et de ses oeuvres.Geneviève Dalban reprend le flambeau de l’association des « amis d’Albert Gleizes » fondée en 1954 en invitant les « amis » à se retrouver à Ampuis chaque dernier dimanche de Juin. Geneviève de Cissey Dalban est décédée en 2002. Les journées européennes de patrimoine 2012 : un hommage à Geneviève de Cissey - Les journées européennes de patrimoine 2012 : un hommage à Geneviève de Cissey
En 2012, en association avec la fondation Albert Gleizes l’exposition s’intitule Transmission. une exposition des poteries d’Anne Dangar, de Geneviève de Cissey et d’Aguilberte Dalban.
Trois générations de potières issues de l’école cubiste d’A. Gleizes et qui ont travaillé à Moly-Sabata.
Il y a été aussi présenté les dessins d’enfants de Sablons réalisés lors d’ateliers dirigés par Anne Dangar en 1945. Ces dessins sur le thème des colonies françaises ont été présentés lors d’une exposition du 29 septembre au 3 octobre 1945.
- Claude Famechon
Claude Famechon a vécu et animée Moly Sabata durant 12 ans à partir de 1968, elle a fait revivre ce lieu « sacré » avec le peintre Michel CARLIN.
Elle a écrit : Je dois une grande partie de mon bonheur à cette période, le village entier nous a aidé, soutenu. Les enfants du village venaient faire de la poterie. Les jours et les nuits de cuisson c’était la fête, nous vivions au rythme des saisons et des caprices du fleuve « encore libre ». Parfois Juliette Roche (Madame Gleizes) qui nous avait confié ce phalanstère, venait nous visiter.
Je garde gravé dans mon coeur et au creux de mes mains, ce village, ses habitants et là-bas, au bout du quai, Moly, mon Moly, avec son grand tilleul, l’entrée, la poterie et le four à droite.
- Michel CARLIN
Peintre né en 1935. Durant les événements de mai 68, Henri Viaud lui propose de réanimer les ateliers de Moly-Sabata en Isère, il y restera 12 ans. Il fonde le groupe Structures-Espaces, avec des peintres, des sculpteurs, des photographes.
- Gilka BECLU-GEOFFRAY
La fille de César GEOFFRAY qui avait passé 12 ans de son enfance à Moly Sabata y revient du printemps 1990 jusqu’en 1995. Elle anime la vieille maison par des activités artistiques variées : stages d’initiation à la peinture selon les principes d’Albert Gleizes, journées portes ouvertes avec des chorales A Coeur Joie, concerts de guitares, exposition des poteries de Jean Bernard Chappe, exposition de peinture de Gilka Béclu Geoffray…. - Les occupants de Moly de 1993 à 2001
- Les occupants de Moly depuis 2010
- Les stages de peinture 2017
Moly-Sabata demeure depuis 1927 un lieu d’accueil pour les artistes, et les deux confinements successifs n’ont pas arrêté sa mission d’hospitalité.
En accord avec le Président de la Fondation Gleizes, Moly-Sabata a permis aux artistes de continuer à travailler dans ses ateliers-logements, compatibles avec le respect des mesures sanitaires.
Les élus et techniciens de la Communauté de communes, du Département et de la Région ont salué cet engagement inédit. Moly-Sabata est l’une des rares structures culturelles en France à avoir ainsi maintenu son activité, accueillant 27 artistes français et étrangers tout au long de l’année 2020. Seuls les traditionnels stages de peinture ont été reportés à la saison prochaine, et le projet pédagogique « Neuf kilomètres », notamment développé au sein de l’école élémentaire municipale, a été suspendu. Mais des cuissons publiques ouvertes à toutes et tous, ont rythmé l’été afin d’alimenter l’exposition-vente de céramique utilitaire « Aux foyers ».
Son succès fut couronné par près de 300 poteries vendues au profit des exposants. La remise en fonctionnement du four à bois historique de la potière Anne Dangar (1885-1951) fut un événement majeur. Afin de perpétuer les habitudes à acheter sa vaisselle à Moly-Sabata, la résidence d’artistes lance le Moly shop qui continuera à proposer à la vente des céramiques réalisées sur place.
En plus de nombreux articles dans le Dauphiné Libéré contribuant au rayonnement de Moly-Sabata, saluons la visite de personnalités aussi bien régionales qu’internationales tels que Frédéric Legros (directeur du Palais idéal du Facteur Cheval d’Hauterives), Claire Hoffmann (commissaire du Centre Culturel Suisse de Paris), Bige Örer (directrice de la Biennale d’Istanbul) ou Taylor Van Horne & Mitch Loch (co-fondateurs de la Sacatar Foundation Brazil de Bahia), alors qu’est confortée la permanence du lien avec le village depuis bientôt un siècle.
Ou l’histoire vraie du vin réconfortant de Moly Sabata
Ecoutons César Geoffray nous conter l’histoire du vin de Saint Damien lors de sa conférence à l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon le 13 juin 1972 :
Un des Moly-sabatiens de longue durée fut un éminent personnage, combien mystérieux lorsque nous le recueillîmes un soir glacé d’hiver. Ecrivain, graphologue, d’une culture éblouissante il venait visiblement se réfugier à Sablons après des événements dont nous ne sûmes jamais le moindre détail. Ce Suisse de vieille noblesse, d’une soixantaine d’années père d’une nombreuse famille dans son canton helvétique, nous arrivait invité par les Gleizes dans un état patent de pauvreté, non sans de longs séjours dans le midi de la France.
Après un immédiat réconfort par nos soin pendant quelques jours nous connaissions ses capacités, ses talents qui se prolongeaient à l’astrologie, la radiesthésie, l’herboristerie.
Jacques Plasse et moi nous suivîmes d’un œil amusé – car le vieil herboriste n’était nullement dénué de mots et d’attitudes drolatiques – l’installation d’une véritable officine d’alchimie dans les greniers et la cave de Moly.
A partir de là, dans la communauté et chez nos voisins, il était devenu le «Docteur Feuille». C’était Lucie qui l’avait si poétiquement surnommé.
Tout au long des jours chauds de 1938 on le voyait rentrer à la nuit tombante, un sac sur le dos rempli d’herbes odorantes qu’il mettait à sécher dans les greniers le lendemain matin. Bien entendu le grenier était devenu inaccessible tant pour son encombrement que pour les parfums forts qui s’en dégageaient.
Dans la cave un arsenal d’ustensiles attendait le vin capiteux d’Algérie qui arriverait à l’heure pour y faire macérer les essences concentrées dans les feuilles séchées.
Tout aurait pu se bien passer lorsque l’année suivante le vin de Saint Damien – tel était le nom de la précieuse liqueur – emplissait les caves de Moly dans des bouteilles spéciales portant une belle étiquette dessinée par notre amie Francine Bensa.
Hélas! malgré la caution du docteur de Serrières qui avait consenti à ce que l’étiquette portât pompeusement : institut de médecine végétale du docteur Buisson, le vin médicinal de Saint Damien ne pouvait être fabriqué et exploité que par un pharmacien. Hélas! Les malheurs de la guerre voulurent que Serrières et Sablons, en ce début de juillet 1940 fussent, dans le sud, l’extrême pointe de l’avance allemande.
Pendant les quelques jours d’occupation la maison fut rouverte « par la force des armes » pour abriter quelques officiers.
0, ironie des choses! En remettant de l’ordre après le retrait des occupants on s’aperçut qu’il ne restait pas une seule bouteille intacte dans la cave : le vin de Saint-Damien avait servi à réconforter l’armée allemande.
Honorine, l’œuvre de l’artiste plasticien Jeff Saint Pierre
Depuis 2008, Sablons compte une nouvelle habitante, et pas des moins imposantes …
elle est l’œuvre de l’artiste plasticien Jeff Saint Pierre. Honorine fait partie d’un groupe de 8 statues représentant une mère et ses filles,
la mère à Grenoble et ses 7 filles aux confins du département.
L’artiste explique : derrière ce projet, il y a l’histoire de l’humanité, de son extension et de son expansion ».
Les autres sœurs d’Honorine sont à Aoste, Besse en Oisans, Le Péage de Roussillon, les Roches de Condrieu, Tréminis et Villette d’Anton